La baleine est le plus gros poisson du monde!

Avec B. et M., nous nous sommes donné pour objectif de "faire le ménage", c'est-à-dire d'appuyer sur la touche pause et de s'attarder sur toutes les fautes récurrentes, ces "mauvaises habitudes" comme je les appelle, bien ancrées et difficiles à éradiquer. Alors, nous employons les grands moyens: explications, exercices écrits, oraux dirigés puis activités de moins en moins guidées pour arriver à une systématisation, un acquis durable, un automatisme dans lequel l'oreille a pris le pas sur l'application de la règle de grammaire. A l'ordre de ce jour, les pronoms. Et moi d'écrire au tableau: J'ai vu la voisine - Je l'ai vu. Notre salle de cours est vitrée et l'employée dont le bureau est en face, vient me voir à la suite du cours et me fait remarquer, sans une certaine irritation, que dans ma deuxième phrase, il faut accorder le participe passé avec le complément direct placé avant le verbe et donc écrire: je l'ai vue. Elle a raison. C'est alors que je lui pose cette question incongrue: "Si je dis: la baleine est le plus gros poisson du monde. Cette phrase est-elle vraie?" "Non, me répond-elle. La baleine n'est pas un poisson, c'est un mammifère." Là encore, elle a raison. "Mais, renchéris-je, dans la bouche de qui pourrait-on entendre cette phrase? Dans celles de deux enfants de 4 ans qui discutent entre eux." Elle en convient. "Si vous interrompez cette conversation et leur apportez la vérité scientifique, ne pensez-vous pas qu'au lieu de leur apprendre quelque chose, vous allez semer le doute dans une chose pour eux établie sans leur apporter de clarification qu'ils soient en mesure d'apprendre?" C'est la même chose dans l'apprentissage des langues (entre autres). Certaines choses sont vraies un temps, le temps que les apprenants soient à même de comprendre la règle suivante: nous avions appris que le participe passé était invariable lorsque le verbe est conjugué avec l'auxiliaire "avoir". Aujourd'hui, nous découvrons que c'est vrai sauf... Ce jour-là, B. et M. avaient déjà suffisamment à faire avec le choix et la place des pronoms. Notre objectif était de leur apporter des certitudes pas de les noyer avec la règle suivante. N'en déplaise aux yeux qui surprennent les traces éparses et hors contexte de nos cours: j'accepte de la part d'un apprenant de niveau A1 ou moins qui n'aura pas vu le subjonctif la phrase suivante: je veux que tu fais les courses. Cela dit, personne n'est infaillible. Il m'arrive à moi aussi d'en perdre mon latin et de devoir revenir aux Saints Bescherelle et Dictionnaire. C'est bien. C'est l'humain qui m'intéresse, pas l'industrialisation de l'apprentissage. Même dans nos phases de ménage!