A vrai dire j’avais oublié de
photocopier l’exercice que je voulais faire avec A. Il ne me restait plus qu’à
trouver autre chose pour le cours qui commençait. Si dans le passé, cela a pu
me procurer des sueurs froides car bien entendu il n’est pas question de
révéler mon manquement à mon apprenante, je sais aujourd’hui tout le bénéfice
que peut tirer un cours d’une nécessité d’improvisation. Ne pouvant pas me
reposer sur ma préparation, (toujours très complète pour faire taire une certaine
propension à l’anxiété ou au perfectionnisme ou à celui-ci à cause de celle-là)
je dois être créative et faire avec ce que j’ai à disposition, (ce qui me
laisse malgré tout tout le champ des possibilités de mon cartable, véritable
sac de Mary Poppins). Mais surtout, cela m’oblige à être encore plus à l’écoute
des besoins de mon apprenant, de me sentir libérée de tout programme et de
laisser le cours dérouler son cours ! Nous avons donc commencé comme
toujours par nos rituels : reprise de choses connues, petits jeux avec des
cartes. Puis correction des devoirs : 2 petits textes tout simples mais
néanmoins avec un bon potentiel. Elle lit. Je lui pose des questions simples
dont les réponses sont dans le texte. Pour la première fois, ça marche vraiment
bien : elle comprend les questions, trouve les réponses facilement, on
voit bien qu’elle fait un effort pour formuler des phrases mais celles-ci sont
justes. Quand elle a une hésitation, elle
a recours spontanément aux phrases consignes « Est-ce que tu peux répéter,
s’il te plaît ? » . Un vrai bonheur ! Je pousse plus loin et lui
pose des questions qu’elle connaît mais qui n’ont pas de réponse dans le texte.
Elle fronce les sourcils, se rassure à mon sourire ostensiblement en coin et me
répond « Je ne sais pas ». Bingo ! Alors, pour prolonger ce que
les Allemands appellent le Erfolgserlebnis et pour lequel les Français n’ont
pas de mot (à croire qu’une expérimentation du succès comme cela nous est fondamentalement
refusée), j’inverse l’exercice : c’est à elle de me poser des questions
sur le 2ème texte. On voit son plaisir d’être comprise, elle aussi
me fait quelques blagues et c’est à mon tour de répondre que je ne sais pas car
l’information n’est pas dans le texte. Ce n’est que son 4ème cours
et voilà que nous avons conversé pendant 20 minutes ! Il y aussi de
nouveaux verbes dans ces textes. Nous les expliquons, prenons le temps de les
conjuguer, de faire des phrases écrites, de mini-dialogues à l’oral. Le cours
est fini avant que nous ayons pu faire la dernière activité qui m’est venue à
l’esprit. Je mesure à son sourire à quel point cette séance a été
nécessaire : certes, elle n’a pas appris vraiment de nouveaux éléments.
C’était plutôt comme une pause d’intégration, une digestion. Nous avons fait,
ce que j’appelle, fonctionner la langue.